Qui
pourrait imaginer qu’à Maurecourt de magnifiques icônes sont réalisées
selon la technique la plus traditionnelle ? Personne, car Evelyne et
Jacques Hervé, les artistes, ne souhaitent pas l’ébruiter. Ils ont quand même
accepté le principe d’une visite virtuelle de leur atelier. Alors
profitons-en ! Entrons avec discrétion et respect, presque comme dans une
église, dans ce haut lieu de l’art religieux du confluent.
Cette liberté laissée par l’Eglise de représenter le
Christ, la Vierge, les anges et les saints comporte cependant un risque :
celui de l’idolâtrie, c’est-à-dire de l’adoration de l’image pour
elle-même. C’est la crise de l’iconoclasme en Orient (VIIIe –
IXe siècle) qui permit à l’Eglise de préciser sa position sur ce
point, en distinguant l’acte d’adoration qui est réservé à Dieu de
la vénération, forme de prière qui, au-delà de l’image à qui elle
s’adresse, est destinée à la personne qu’elle représente.
C’est donc le souci de représentation du divin et du
sacré qui est à l’origine du style si caractéristique de l’icône. Et
puisque Dieu, par définition, ne change pas, l’art iconique lui non plus ne
change pas (ou peu) : des premiers siècles du christianisme à
aujourd’hui, du Moyen-Orient à la Russie (et à Maurecourt, Yvelines !),
les thèmes, les modes de représentation, le style, la physionomie, le vêtement,
les attributs des personnages … restent les mêmes. L’artiste, qui en
principe ne signe pas ses œuvres, s’efface avec humilité et dévotion devant
son modèle dont il cherche à reproduire au mieux la sacralité.
· Le passage de notre monde à l’espace sacrée de la représentation est matérialisé sur l’icône par une bordure et, en général, par un changement de plan, le sujet représenté étant en retrait par rapport à sa bordure ;
· Les représentations sont très symboliques : il n’y a pas chez l’iconographe de souci de restituer la réalité de la nature mais au contraire une recherche d’abstraction avec un réalisme minimal permettant de reconnaître les objets présentés ;
· Des fonds dorés … comme il n’en existe pas dans la nature, mais qui évoquent la lumière divine enveloppant les personnages ;
· Une perspective systématiquement inversée (ce qui est le plus éloigné est le plus grand), là encore selon des principes de géométrie qui n’existent pas en ce bas monde !
· Les personnages ont une attitude hiératique et un visage de face avec de grands yeux qui nous regardent et qui exprime une sérénité acquise pour l’éternité et à laquelle aucun sentiment humain passager (joie, tristesse, souffrance, crainte, …) ne peut plus se mêler.
C’est
donc dans ce monde de l’icône, très spirituel et jusqu’alors inconnu pour
eux, qu’Evelyne et Jacques Hervé se son lancés il y a quelques années,
par pur intérêt artistique et religieux, puisqu’ils ne commercialisent pas
leur production. Ce sont principalement les icônes russes qu’ils cherchent à
reproduire le plus fidèlement possible, mais il peut arriver (rarement)
qu’ils se permettent quelque liberté par rapport au modèle.
Au fur et à mesure que leur maîtrise de l’art progresse, les œuvres se font
de plus en plus élaborées et demandent aussi plus de temps : réaliser
une icône, de la préparation du support à la couche finale de vernis
protecteur, peut demander de un an et demi à deux ans, compte tenu des différentes
étapes … et aussi des autres activités qui les occupent.
Comme dans tout atelier, chacun a sa spécialité :
Jacques prépare les supports et Evelyne les peint. Tout commence avec le choix
du matériau, toujours du bois, d’une seule pièce, qui peut être du chêne,
du hêtre, du frêne ou parfois du tilleul. Jacques se met au travail et produit
des supports de forme et de relief de plus en plus compliqués. Depuis les
premiers rectangles dans lesquels la partie centrale était évidée pour
obtenir le retrait dont nous avons vu la signification, jusqu’au supports
actuels comportant selon les cas, des arcades ou des grecques en relief, de la
marqueterie, des
incrustations de cristal et de pierres précieuses, et même une articulation en
triptyque comme nous le voyons ici.
Le
support ainsi préparé passe entre les mains d’Evelyne pour un traitement
artistico-physico-chimique qui, tout bien compté (en simplifiant !), se déroule
en dix temps. Les premières étapes ont pour but de rendre la surface du
support aussi lisse que possible de façon que les couleurs, et en particulier
l’or, brillent de tout leur éclat. Le bois est donc poncé
minutieusement puis enduit de quatre couches de colle de peau de lapin (obtenue
par dilution de poudre dans l’eau) qui vient combler le moindre interstice.
Mais il faut aller encore beaucoup plus loin pour atteindre une surface
parfaitement lisse : 12 couches, pas moins, mais très fines, d’un mélange
de colle de peau de lapin et de « gesso » (plâtre) seront nécessaires.
L’épaisseur totale de ces douze couches n’excédera pas un millimètre. Un
dernier ponçage et la surface blanche est lisse et douce au touché comme une
peau de bébé !
processus par ailleurs parfaitement traditionnel :
Evelyne crée un « patron » à partir du modèle scanné et mis par
ordinateur aux exactes dimensions du support. Les principaux contours sont
ensuite matérialisés à travers le « patron » par des points qui
sont ensuite reliés par un trait continu avec un style (c’est la méthode du
« poncif »). Ce repérage n’étant pas très visibles sur la
surface blanche, Evelyne applique du « bol d’Arménie », terre très
fine brun-rouge diluée dans l’eau qui, une fois essuyé, ne laisse son
empreinte que sur les contours gravés.
Elément en effet important de la sacralité, l’or va être
appliqué sur le fond de l’icône. Pour ce faire Evelyne enduit d’abord
d’eau additionnée d’un peu de colle et de quelques gouttes d’alcool les
surfaces à dorer. La feuille d’or très légère et très malléable qui va
être appliquée n’adhèrera ainsi qu’aux surfaces mouillées par le liquide
et les parties non adhérentes seront facilement enlevées. L’or ne prend
ensuite tout son brillant qu’avec l’opération de « brunissage »
qui consiste à le lisser avec un style d’agate.
Vous avez des questions, des remarques, vous souhaitez en savoir plus sur la confection des icônes ? Ecrivez à Evelyne et Jacques Hervé : eve-2006@wanadoo.fr