A Sagy, dans le Vexin français, se trouve un intéressant éco-musée de la moisson annoncé par cette affiche :
Le rapport de ce musée avec le confluent tient dans l'illustration de l'affiche : la batteuse à cheval que l'on y voit a été donnée au musée par Eugène Berrurier, ancien cultivateur (et maire) de Conflans aujourd'hui décédé, qui l'a utilisée jusque vers 1975.
La photo ci-dessous montre la batteuse sortant de la cour de la famille Berrurier le 11 février 1994 et s'apprêtant à faire, remorquée par un tracteur, le dernier grand voyage de sa vie, de Conflans à Sagy. Fernand Berrurier, le fils d'Eugène, est à la manoeuvre.
Tous les ans, en septembre, a lieu à Sagy dans un espace champêtre, la fête de la moisson. A cette occasion les machines agricoles les plus anciennes, et aujourd'hui les plus insolites, sont sorties du musée. Bien sûr, parmi elles, la batteuse d'Eugène Berrurier mue par un cheval de labour, occupe une place de choix.
(... et pour voir ce cheval blanc en pleine action, c'est ici !)
Selon les explications qui l'accompagne au musée où elle est habituellement exposée, ce type de batteuse à cheval était aussi appelée "piétinneuse" ou "tripoteuse". L'animal monté sur le "tripot" marche sur un tapis roulant articulé fait de planches épaisses réunies par des charnières qui, du fait de son inclinaison et du poids de la bête, se dérobe continuellement sous ses pas et l'oblige à poursuivre sa marche. Un frein permet quand même d'arrêter cette fuite en avant infernale où le cheval a un faux air de Sisyphe.
Le tapis entraîne une courroie qui actionne la batteuse située à l'avant. Elle est munie d'un batteur pour séparer le grain de l'épi, de secoueurs pour parfaire le travail du batteur et d'un tarare (tambour de ventilation) pour nettoyer les grains. Ces grains tombent ensuite dans un sac placé sur le côté de la machine.
A la fête des moissons le cheval aussi est à la fête ! Un quart d'heure de piétineuse de temps à autre, pour amuser le badeau, et repos le reste du temps : ce n'est pas un régime de cheval ! Mais dans les temps anciens, c'était autre chose. Le cheval devrait amener lui-même son instrument de torture dans le champ moissonné, lieu du suplice. Et la montée sans fin au calvaire commençait. Il y avait quand même des poses pendant lesquelles le cheval, couvert de sueur, pouvait récupérer. A ce rythme, la machine pouvait battre entre 10 et 16 quintaux par jour avec un seul cheval. Mais chez les Berrurier, le cheval bénéficiait d'un régime privilégié : le travail se faisait dans la cour de la ferme où le blé avait été préalablement rentré et il avait droit à une pose toute les heures.
Progrès technique et conquêtes sociales obligent : le cheval d'Eugène Berrurier fut dispensé de batteuse dès 1940, date à laquelle il fut remplacé par un moteur thermique Bernard, puis par un moteur électrique, transmettant le mouvement par courroie à la batteuse.
Mais il faut savoir gré à Eugène Berrurier et au musée de Sagy de nous avoir conservé cette batteuse en parfait état de marche "à cheval" et prête à reprendre du service dans l'ère de l'après-pétrole que l'on nous annonce !
Pour en savoir sur le musée de Sagy : http://musee.moisson.free.fr/