Comment, après trente ans de vie professionnelle dans la finance, passe-t-on à la peinture naïve pour en devenir une pratiquante reconnue ? Demandez son secret à Martine Clouet, peintre andrésienne, ... mais il n'est pas sûr qu'elle vous le donne. Et d'ailleurs le connaît-elle elle-même ? On n'est pas entièrement maître de son talent.
Tombée dans la peinture, comme Obélix dans la potion magique, mais pas au même âge, elle
collectionne depuis
les années 90 les salons et les médailles (en 1999, elle a obtenu une
médaille de bronze au Salon des artistes français à Paris). Ses toiles sont aujourd'hui présentes dans de nombreuses collections
publiques et privées, ainsi qu'au musée Daubigny à Auvers-sur-Oise. Et récemment,
la Poste d'Andrésy a mis en vente une
enveloppe pré-timbrée illustrée d'un de ses tableaux : La rue de
l'église à Andrésy (ci-contre). Martine Clouet a rejoint le Groupe international des primitifs
modernes dits naïfs en 1996 et en est devenue la présidente en 2001. Cette association
organise des expositions en France mais aussi à
l'étranger, jusqu'à New-York en 2001.
Martine Clouet affirme donc fièrement ... sa naïveté ! Mais en quoi consiste-t-elle ?
Le propre de l'artiste est de contempler la réalité dans sa diversité infinie, d'en retenir ce qui lui paraît essentiel et, par son art, de restituer dans son oeuvre cet essentiel. L'oeuvre de l'artiste dépend donc de sa sensibilité, de l'importance qu'il accorde à tel ou tel aspect de la réalité. Si l'on pouvait convier à peindre le même paysage les grands maîtres qui ont jalonné l'histoire de la peinture, on obtiendrait sans doute des résultats très différents, sans que l'on puisse dire d'aucun d'eux qu'il trahit la réalité, ni d'ailleurs qu'il l'épuise.
Comme tout genre artistique, l'art naïf est donc d'abord une façon de regarder. La définition du dictionnaire ("naïf : qui est naturel, sans artifice, spontané") ne suffit pas à caractériser ce regard et, pour aller plus loin, le mieux est encore de se promener dans la galerie virtuelle de Martine Clouet (www.martineclouet.com). Qu'y découvre-t-on ? Un regard d'enfant, un regard effectivement "naturel, spontané, sans artifice", mais aussi plein de joie et de bonne humeur, sûr de toujours trouver de quoi s'émerveiller dans la contemplation de la réalité. Le regard d'un adulte qui, en redevenant un petit enfant, découvre, comme le dit l'Evangile, le Royaume de Dieu. Un regard qui enjolive, qui idéalise diront certains. Plutôt un regard qui sait ne pas voir, ignorer, mépriser la laideur qui côtoie bien souvent la beauté, comme l'ivraie le bon grain.
Partie de pêche à Conflans
Un parterre de fleurs, une péniche
qui passe sur la Seine, une maison aux volets ouvertes et aux fenêtres
fleuries, la vitrine bien rangée d'une boutique, une petite ruelle d'une
propreté toute helvétique, ... sans oublier les être vivants, car pas de
nature morte dans
les collections de Martine Clouet : la vie est belle et mérite bien d'être ...
immortalisée ! Donc beaucoup de monde : des adultes, des enfants bien sûr,
tous toujours bien habillés, voire costumés, des chiens sagement tenus en
laisse, des chats dont on croit percevoir le ronron, des vaches en belle robe du dimanche
noir et blanche, etc. Pas de perspective compliquée : tout ce qui mérite
attention est mis à portée de regard. Pas non plus d'éléments déchaînés,
de tempête : le ciel est d'un bleu rassurant, comme la mer et le fleuve (la
Seine devant Andrésy et Conflans) ; c'est à peine s'ils sont ponctués de
quelques cumulus, de quelques vaguelettes sagement répartis dans l'azur. Seule
exception à ces conditions météorologiques exceptionnelles : la neige. Comme
tous les enfants, Martine Clouet aime la neige qui vous transforme complètement
un paysage en quelques heures, et cela se voit. Et comme les enfants aussi, elle
passe sans difficulté du réel à l'imaginaire en invitant parfois, par exemple, la lune à
descendre de son perchoir pour rejoindre les personnages.
Ce regard, Martine Clouet le met à notre portée : pour peu que nous acceptions nous aussi de revenir à cet esprit d'enfance, après nous être nourris de ses tableaux, nous découvrirons la beauté dans la banalité apparente de nos villes de banlieue, dans les petites choses de notre vie quotidienne. Plus qu'à la visite d'une galerie de tableaux, c'est donc à "réenchanter le monde" que Martine Clouet nous convie : vaste et passionnant programme !
Et pour finir, quelques tableaux de Martine Clouet sur Andrésy et Conflans recueillis sur sont site (www.martineclouet.com) :